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rambique peut-être avec Rubens, divinement moqueur avec Hafis, clair et bienveillant avec Gœthe, répandant sur toutes choses un rayon homérique de lumière et de gloire (dans ce cas je parle d’art apollinien). Mais elle peut être aussi cette volonté tyrannique d’un être qui souffre cruellement, qui lutte et qui est torturé, d’un être qui voudrait donner à ce qui lui est le plus personnel, le plus particulier, le plus proche, donner à la véritable idiosyncrasie de sa souffrance, le cachet d’une loi et d’une contrainte obligatoires, et qui se venge en quelque sorte de toutes choses en leur imprimant en caractères de feu, son image, l’image de la torture. Ce dernier cas est le pessimisme romantique dans sa forme la plus expressive, soit comme philosophie schopenhauérienne de la volonté, soit comme musique de Wagner : — le pessimisme romantique est le dernier grand événement dans la destinée de notre civilisation. (Qu’il puisse y avoir un tout autre pessimisme, un pessimisme classique — ce pressentiment et cette vision m’appartiennent, ils sont inséparables d’avec moi, étant mon proprium et mon ipsissimum : cependant mon oreille répugne au mot « classique », il est devenu beaucoup trop usé, trop ar­rondi, trop méconnaissable. J’appelle ce pessimisme de l’avenir — car il est en route ! je le vois venir ! — le pessimisme dionysien).

371.

Nous qui sommes incompréhensibles. — Nous