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être la plus honnête et en tous les cas la plus bruyante qu’il y ait aujourd’hui, l’espèce que forment messieurs nos socialis­tes croit, espère, rêve et avant tout crie et écrit à peu près le contraire ; car l’on peut déjà lire sur tous les murs et sur toutes les tables leur mot de l’avenir « société libre ». Société libre ? Parfaitement ! Mais je pense que vous savez, Messieurs, avec quoi on la construit ? Avec du bois de fer ! Et plutôt encore avec du fer qu’avec du bois…

357.

Sur le vieux problème : « qu’est-ce qui est allemand ? » — Que l’on vérifie, à part soi, les véritables conquêtes de la pensée philosophique dues à des cerveaux allemands : faut-il en tenir compte, de quelque manière que ce soit, à la race tout entière ? Pouvons-nous dire : elles sont aussi l’œuvre de l’« âme allemande » ou du moins le symbole de cette âme, à peu près dans le même sens où nous sommes habitués à considérer par exemple l’idéomanie de Platon, sa folie presque religieuse des formes, en même temps comme un événement et un témoignage de l’« âme grecque » ? Ou bien le contraire serait-il vrai ? les conquêtes philosophiques allemandes seraient-elles quelque chose d’aussi individuel, d’aussi exceptionnel dans l’esprit de la race que l’est parmi les Allemands, par exemple, le paganisme de Gœthe, en bonne conscience ? Ou bien le machiavélisme de Bis­marck, en bonne conscience, ce qu’il appelait sa politi­que « réaliste » ? Nos