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dans leur déclin, une aussi belle visibilité que celle du soleil ? Comme il y aurait moins d’équivoque à vivre parmi les hommes s’il en était ainsi !

337.

L’« humanité » de l’avenir. — Lorsque je regarde, avec les yeux d’une époque lointaine, vers celle-ci, je ne puis rien trouver de plus singulier chez l’homme actuel que sa vertu et sa maladie particulière que l’on appelle le « sens historique ». Il y a dans l’histoire l’amorce de quelque chose de tout neuf et d’étranger : que l’on donne à ce germe quelques siècles et davantage et il finira peut-être par en sortir une plante merveilleuse avec une odeur tout aussi merveilleuse, à cause de quoi notre vieille terre serait plus agréable à habiter qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. C’est que, nous autres hommes modernes, nous commençons à former la chaîne d’un sentiment que l’avenir montrera très puissant, chaînon par chaînon, — nous savons à peine ce que nous faisons. Il nous semble presque qu’il ne s’agit pas d’un sentiment nouveau, mais seulement de la diminution de tous les sentiments anciens : — le sens historique est encore quelque chose de si pauvre et de si froid, et il y a des hommes qui en deviennent glacés et plus pauvres et plus froids encore. Pour d’autres, il est l’indice de la vieillesse qui vient et notre planète leur apparaît comme un mélancolique malade qui, pour oublier le présent, se met à écrire l’histoire de sa