Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.

deste, d’autre part, puisqu’il révèle que tu ne t’es pas encore découvert toi-même, que tu n’as pas encore créé, à ton usage, un idéal propre, qui n’appartiendrait qu’à toi seul : — car cet idéal ne pourrait jamais être celui d’un autre, et, encore moins celui de tous ! — — Celui qui juge encore : « dans ce cas chacun devrait agir ainsi », n’est pas avancé de cinq pas dans la connaissance de soi : autrement il saurait qu’il n’y a pas d’actions semblables et qu’il ne peut pas y en avoir ; — que toute action qui a été exécutée l’a été d’une façon tout à fait unique et irréparable, qu’il en sera ainsi de toute action future, et que tous les préceptes ne se rapportent qu’au grossier côté extérieur des actions (de même que les préceptes les plus ésotériques et les plus subtils de toutes les morales jusqu’à aujourd’hui), — qu’avec ces préceptes on peut atteindre, il est vrai, une apparence d’égalité, mais rien qu’une apparence — que toute action, par rapport à eux, est et demeure une chose impénétrable, — que nos opinions sur ce qui est « bon », « noble », « grand » ne peuvent jamais être démontrées par nos actes, puisque tout acte est inconnaissable, — que certainement nos opinions, nos appréciations et nos tables de valeurs, font partie des leviers les plus puissants dans les rouages de nos actions, mais que pour chaque action particulière la loi de leur mécanique est indémontrable. Restreignons-nous donc à l’épuration de nos opinions et de nos appréciations et à la création de nouvelles tables de valeurs qui nous soient propres : — mais nous ne voulons plus faire de réflexions