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308.

L’histoire de chaque jour. — Qu’est-ce qui fait chez toi l’histoire de chaque jour ? Vois tes habitudes qui composent cette histoire : sont-elles le produit d’innombrables petites lâchetés et petites paresses, ou bien celui de ta bravoure et de ta raison ingénieuse ? Quelle que soit la différence des deux cas, il serait possible que les hommes te comblent des mêmes louanges et que réellement, d’une façon ou d’une autre, tu leur sois de la même utilité. Mais il se peut que les louanges, l’utilité et la respectabilité suffisent à celui qui ne veut avoir qu’une bonne conscience, — elles ne te suffiront pas, à toi qui fouilles les entrailles, à toi qui possèdes la science de la conscience !

309.

De la septième solitude. — Un jour, le voyageur ferma une porte derrière lui, s’arrêta et se mit à pleurer. Puis il dit : « Ce penchant au vrai, à la réalité, au non-apparent, à la certitude ! combien je lui en veux ! Pourquoi cette force agissante sombre et passionnée, me suit-elle, moi en particulier ? Je voudrais me reposer, mais elle ne le permet pas. Combien y a-t-il de choses qui me persuadent de demeurer ! Il y a partout pour moi des jardins d’Armide : et pour cela aussi toujours de nouveaux déchirements et de nouvelles amertumes du cœur ! Il faut que je pose mon pied plus loin, ce pied fatigué et blessé : et, puisqu’il le faut, j’ai sou-