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lier en la subjuguant de sa pensée architecturale, en la transformant en quelque sorte pour sa propre maison en un plaisir des yeux. Dans le nord, c’est la loi et le plaisir causé par l’obéissance à la loi qui en imposent lorsque l’on regarde le système de construction des villes : on devine là cette propension à l’égalité et à la soumission qui doit avoir dominé l’âme de tous ceux qui construisaient. Mais ici vous trouvez à chaque coin de rue un homme à part qui connaît la mer, les aventures et l’Orient, un homme qui est mal disposé à l’égard de la loi et du voisin, comme si c’était là une espèce d’ennui, et qui mesure avec un regard d’envie tout ce qui est vieux et de fondation ancienne. Avec une merveilleuse rouerie de l’imagination, il voudrait fonder tout cela à nouveau, du moins en pensée, y appliquer sa main, y mettre son interprétation — ne fût-ce que pour l’instant d’une après-midi de soleil, où son âme insatiable et mélancolique éprouve une fois de la satiété, et où son œil ne veut plus voir que des choses qui lui appartiennent et non plus des choses étrangères.

292.

Aux prédicateurs de la morale. — Je ne veux pas faire de morale, mais à ceux qui en font je donne ce conseil : si vous voulez finir par prendre aux meilleures choses et aux meilleures conditions tout leur honneur et toute leur valeur, continuez, comme vous avez fait jusqu’à présent, à les avoir sans cesse à la bouche ! Placez-les en tête de votre