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des esprits même les plus nobles n’est généralement pas assez riche.

212.

Ne pas se laisser tromper. — Son esprit a de mauvaises manières, il est précipité et ne fait que bégayer d’impatience : c’est pourquoi on se doute à peine de l’âme qui est la sienne, une âme à longue haleine et à large poitrine.

213.

Le chemin du bonheur. — Un sage demandait à un fou quel était le chemin du bonheur. Celui-ci répondit sans retard, comme quelqu’un à qui l’on demande le chemin de la ville prochaine : « Admire-toi toi-même et vis dans la rue ! » — « Halte-là, s’écria le sage, tu en demandes trop, il suffit déjà de s’admirer soi-même ! » Le fou répondit : « Mais comment peut-on toujours admirer, sans toujours mépriser ? »

214.

La foi qui sauve. — La vertu ne procure le bonheur et une espèce de béatitude qu’à ceux qui ont foi en leur vertu — et non à ces âmes subtiles dont la vertu consiste en une profonde méfiance à l’égard de soi-même et de toute vertu. En dernière instance, là aussi, c’est « la foi qui sauve » — et non la vertu, qu’on le sache bien.