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qui signifie en grec « les peuples » : on peut comparer Ulphilas. — Il serait encore possible que les Allemands se fissent après coup un honneur d’un nom qui était une antique injure, en devenant le premier peuple non-chrétien de l’Europe : à quoi Schopenhauer leur imputait à honneur d’être doués au plus haut degré. Ainsi s’achèverait l’œuvre de Luther qui leur avait appris à être anti-romains et de dire : « Me voici ! Je ne puis faire autrement ! »

147.

Question et réponse. — Qu’est-ce que les peuplades sauvages empruntent maintenant en premier lieu aux Européens ? L’alcool et le christianisme, les narcotiques de l’Europe. — Et qu’est-ce qui les fait dépérir le plus rapidement ? — Les narcotiques de l’Europe.

148.

Où naissent les réformes. — Du temps de la grande corruption de l’Église, l’Église était le moins corrompue en Allemagne : c’est pourquoi la Réforme naquit , comme un signe que déjà les commencements de la corruption paraissaient insupportables. Car, sous certains rapports, aucun peuple n’a jamais été moins chrétien que les Allemands du temps de Luther : leur civilisation chrétienne allait être prête à s’épanouir dans la splendeur d’une floraison centuple, — il ne manquait plus qu’une seule nuit ; mais celle-ci apporta la tempête qui mit fin à tout cela.