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ailleurs le beau temps et le soleil étaient trop considérés comme la règle quotidienne.

138.

L’erreur du Christ. — Le fondateur du christianisme s’imaginait que rien ne faisait souffrir davantage les hommes que leurs péchés : — c’était une erreur, l’erreur de celui qui se sent sans péchés, qui en cela manquait d’expérience ! Ainsi son âme s’emplit de cette merveilleuse pitié qui allait à un mal dont son peuple lui-même, l’inventeur du péché, souffrait rarement comme d’un mal ! — Mais les chrétiens ont su donner raison à leur maître après coup, ils ont sanctifié son erreur pour en faire une « vérité ».

139.

Couleur des passions. — Des natures comme celle de l’apôtre Paul ont le mauvais œil pour les passions ; ils n’apprennent à en connaître que ce qui est malpropre, que ce qui défigure et brise les cœurs, — leur aspiration idéale serait donc la destruction des passions : pour eux ce qui est divin en est complètement dépourvu. À l’inverse de Paul et des Juifs, les Grecs ont porté leur aspiration idéale précisément sur les passions, ils ont aimé, élevé, doré et divinisé les passions ; il est clair que dans la passion ils se sentaient non seulement plus heureux, mais encore plus purs et plus divins qu’en temps ordinaire. — Et les chrétiens ? Voulaient-ils en cela