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l’effet de l’air renfermé et du poison répandu par les poêles dans les habitations allemandes.

135.

Origine du péché. — Le péché, tel qu’on le considère aujourd’hui, partout où le christianisme règne ou a jamais régné, le péché est un sentiment juif et une invention juive, et, par rapport à cet arrière-plan de toute moralité chrétienne, le christianisme a cherché en effet à judaïser le monde entier. On sent de la façon la plus fine jusqu’à quel point cela lui a réussi en Europe, au degré d’étrangeté que l’antiquité grecque — un monde dépourvu de sentiment du péché — garde toujours pour notre sensibilité, malgré toute la bonne volonté de rapprochement et d’assimilation dont des générations entières et beaucoup d’excellents individus n’ont pas manqué. « Ce n’est que si tu te repens que Dieu sera miséricordieux pour toi » — de telles paroles provoqueraient chez un Grec le rire et la colère ; il s’écrierait : « Voilà des sentiments d’esclaves ! » Ici l’on admet un Dieu puissant, d’une puissance suprême, et pourtant un Dieu vengeur. Sa puissance est si grande que l’on ne peut en général pas lui causer de dommage, sauf pour ce qui est de l’honneur. Tout péché est un manque de respect, un crimen lœsœ majestatis divinœ — et rien de plus ! Contrition, déshonneur, humiliation — voilà les premières et dernières conditions à quoi se rattache sa grâce ; il demande donc le rétablissement de son honneur divin ! Si d’autre