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ves pour donner ce nom à une chose ont misérablement avorté. Il importe de connaître ton but, ton horizon, tes forces, tes impulsions, tes erreurs et surtout l’idéal et les fantômes de ton âme pour déterminer ce que signifie la santé, même pour ton corps. Il existe donc d’innombrables santés du corps ; et plus on permet à l’individu et à l’incomparable de lever la tête, plus on désapprend le dogme de « l’égalité des hommes », plus il faudra que nos médecins perdent la notion d’une santé normale, d’une diète normale, du cours normal de la maladie. Et, alors seulement, il sera peut-être temps de réfléchir à la santé et à la maladie de l’âme et de mettre la vertu particulière de chacun dans cette santé : il est vrai que la santé de l’âme pourrait ressembler chez l’un au contraire de la santé chez l’autre. Et finalement la grande question demeurerait ouverte : savoir si nous pouvons nous passer de la maladie, même pour le développement de notre vertu, et si particulièrement notre soif de connaissance et de connaissance de soi n’a pas autant besoin de l’âme malade que de l’âme bien portante : en un mot si la seule volonté de santé n’est pas un préjugé, une lâcheté, et peut-être un reste de la barbarie la plus subtile et de l’esprit rétrograde.

121.

La vie n’est pas un argument. — Nous avons apprêté à notre usage un monde où nous puissions vivre — en admettant l’existence de corps, de