de ce spectacle que sa propre nourriture. Un homme
religieux ne songe qu’à lui-même. — Luther vit la
corruption de la papauté, tandis qu’il aurait dû
s’apercevoir du contraire : la vieille corruption, le
peccatum originale, le christianisme, n’était plus sur
le siège du pape ! Il était remplacé par la vie, le
triomphe de la vie, le grand oui à l’égard de toutes
les choses hautes, belles et audacieuses !… Et Luther
rétablit l’Église : il l’attaqua… La Renaissance —,
devint un événement dépourvu de sens, un grand
en vain ! — Ah, ces Allemands, ce qu’ils nous ont
déjà coûté ! En vain — c’est ce qui fut toujours
l’œuvre des Allemands. — La Réforme ; Leibnitz ;
Kant et ce qu’on appelle la philosophie allemande ;
les guerres de « liberté » contre Napoléon Ier ; le
nouvel Empire allemand — chaque fois un en vain
pour quelque chose qui était prêt à se réaliser,
pour quelque chose d’irréparable… Ce sont mes
ennemis, je l’avoue, ces Allemands : je méprise
en eux toute espèce de malpropreté d’idées et
de valeurs, de lâcheté devant la probité de chaque
oui et de chaque non. Depuis près de mille ans
ils ont épaissi et embrouillé tout ce qu’ils ont touché
de leurs doigts, ils ont sur la conscience toutes les
demi-mesures, tous les compromis dont est
malade l’Europe, — ils ont également sur la
conscience l’espèce la plus malpropre de
christianisme qu’il y ait, la plus incurable, la plus
irréfutable, le protestantisme… Si on n’arrive pas à en
finir du christianisme, les Allemands en seront
cause…
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L’ANTÉCHRIST