la victoire, avec tous les instincts, avec tout le génie,
aux valeurs contraires, aux valeurs nobles… Il n’y
eut jusqu’à présent que cette seule grande guerre, il
n’y eut pas jusqu’à présent de problème plus
concluant que celui de la Renaissance, — nos
problème sont les mêmes — : il n’y a jamais eu de
forme d’attaque plus fondamentale, plus droite,
plus sévère, dirigée contre le centre, sur toute la
ligne. Attaquer à l’endroit décisif, au siège même du
christianisme, mettre sur le trône papal les valeurs
nobles, c’est-à-dire introduire ces valeurs dans les
instincts, dans les besoins et les désirs inférieurs
de ceux qui étaient au pouvoir… Je vois devant moi
la possibilité d’une magie supra-terrestre, d’un parfait
charme de couleurs : — il me semble que cette
possibilité éclate dans tous les frissons d’une beauté
raffinée, qu’un art s’y révèle, un art si divin, si
diaboliquement divin, qu’on chercherait en vain à
travers les âges une seconde possibilité pareille ; je
vois un spectacle si significatif et en même temps
si merveilleusement paradoxal que toutes les
divinités de l’Olympe auraient eu l’occasion d’un
immortel éclat de rire — je vois César Borgia pape…
Me comprend-on ?… Vraiment cela eût été la
victoire que je suis seul à demander maintenant — :
cela eût supprimé le christianisme ? —
Qu’arriva-t-il ? Un moine allemand, Luther, vint à Rome. Ce
moine chargé de tous les instincts de vengeance
d’un prêtre malheureux se révolta à Rome contre la
Renaissance… Au lieu de saisir, plein de
reconnaissance, le prodige qui était arrivé : le christianisme surmonté à son siège même — sa haine ne sut tirer
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L’ANTÉCHRIST