tous encore les mauvais instincts, les instincts
chrétiens en nous — le regard libre devant la réalité, la
main circonspecte, la patience et le sérieux dans les
plus petites choses, toute la probité dans la
recherche de la connaissance — tout cela existait déjà il y
a plus de deux mille ans. Et plus encore, le bon
goût, le tact fin et sûr ! Non point comme une
« dressure » du cerveau, non point comme la culture
« allemande », avec des manières de lourdaud !
Mais comme corps, comme geste, comme instinct —
comme réalité en un mot… Tout cela en vain ! Plus
qu’un souvenir du jour au lendemain ! — Grecs !
Romains ! La noblesse des instincts, le goût, la
recherche méthodique, le génie de l’organisation
et de l’administration, la volonté de l’avenir humain
et la foi en l’avenir, la grande affirmation de toutes
choses, visible sous forme d’Empire romain, visible
pour tous les sens, le grand style, non seulement
art, mais réalité, vérité, vie… — Et ce n’est pas un
cataclysme de la nature qui a détruit tout cela du
jour au lendemain ! ce n’est pas le piétinement des
Germains ou d’autres tardigrades ! Des vampires
rusés, clandestins, invisibles et anémiques l’ont
déshonoré ! Non vaincu — mais seulement épuisé !…
La soif de vengeance cachée, la petite envie prenant
des allures de maîtres ! Tout ce qui est pitoyable,
souffreteux, visité par de mauvais penchants, tout le
monde de ghetto de l’âme mis subitement au premier
rang ! — Qu’on lise un agitateur chrétien quelconque,
saint Augustin par exemple, pour comprendre,
pour sentir quels êtres malpropres avaient eu la
haute main. On se tromperait du tout au tout, si l’on
Page:Nietzsche - Le Crépuscule des Idoles - Le Cas Wagner - Nietzsche contre Wagner - L'Antéchrist (1908, Mercure de France).djvu/342
(Redirigé depuis Page:Nietzsche - Le Crépuscule des idoles.djvu/342)
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
L’ANTÉCHRIST