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L’ANTÉCHRIST


besoin de lutter contre elle, — il ne la nie pas… De même pour l’État, de même pour les institutions civiles et l’ordre social, le travail, la guerre, — il n’a jamais eu de raison de nier le « monde », il ne s’est jamais douté de l’idée ecclésiastique de « monde »… La négation est donc pour lui une chose tout à fait impossible. — La dialectique, elle aussi, fait défaut, de même l’idée qu’une croyance, une « vérité », pourrait être démontrée par des arguments (— ses preuves sont des « lumières » intérieures, des sensations de plaisir intérieures et des affirmations de soi, — rien que des « preuves vivifiantes » — ). Une pareille doctrine ne peut pas contredire, elle ne comprend pas du tout qu’il y ait d’autres doctrines, qu’il puisse y en avoir, elle ne peut pas du tout se représenter un jugement contraire… Partout où elle le rencontre, elle s’attriste de cet « aveuglement » par compassion intérieure — car elle voit la « lumière » — mais elle ne fait pas d’objections…

33.

Dans toute la psychologie de « l’Évangile » manque l’idée de culpabilité et de châtiment, de même l’idée de récompense. Le « péché », tout rapport de distance entre Dieu et l’homme est supprimé, — c’est là précisément le « joyeux message ». La félicité éternelle n’est point promise, elle n’est point liée à des conditions : elle est la seule réalité, — le reste n’est que signe pour en parler…

Les conséquences d’un pareil état se dessinent dans une pratique nouvelle, proprement la pratique évangé-