Page:Nietzsche - Le Crépuscule des Idoles - Le Cas Wagner - Nietzsche contre Wagner - L'Antéchrist (1908, Mercure de France).djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
L’ANTÉCHRIST


qu’à désigner une résultante, une sorte de réaction individuelle qui, nécessairement, fait suite à une série d’irritations soit concordantes, soit contradictoires : — la volonté n’« agit » ni n’« agite » plus… Autrefois on voyait dans la conscience de l’homme, dans l’« esprit », une preuve de son origine supérieure, de sa divinité ; pour perfectionner l’homme on lui conseillait de rentrer en lui-même ses sens, comme la tortue, de supprimer les relations avec les choses terrestres, d’écarter l’enveloppe mortelle : il ne restait de lui que l’essentiel : « le pur esprit ». Là aussi nous avons modifié notre manière de voir : l’« esprit », la conscience, nous semblent précisément être les symptômes d’une relative imperfection de l’organisme, une expérience, un tâtonnement, une méprise, une peine qui use inutilement beaucoup de force nerveuse, — nous nions qu’une chose puisse être faite à la perfection, tant qu’elle est faite consciemment. Le « pur esprit » est une bêtise pure : si nous faisons abstraction du système nerveux, de l’« envoloppe terrestre », nous nous trompons dans notre calcul, rien de plus !…

15.

Dans le christianisme, ni la morale, ni la religion ne sont en contact avec la réalité. Bien que des causes imaginaires (« Dieu », « l’âme », « moi », « esprit », « libre arbitre » — ou même l’arbitre qui n’est « pas libre ») ; rien que des effets imaginaires (« le péché », « le salut », « la grâce », « l’expiation », « le pardon des péchés »). Une rela-