l’absence de la haine, les égards, l’« amour »,
envers les amis comme envers les ennemis. Il ne
fait que moraliser, il rampe dans la tannière de
toutes les morales privées, devient le Dieu de tout le
monde, le Dieu de la vie privée, il devient
cosmopolite… Autrefois il représentait un peuple, la force
d’un peuple, tout ce qui est agressif et altéré de
puissance, dans l’âme d’un peuple ; maintenant il n’est
plus que le Dieu bon… En effet, il n’y a pas d’autre
alternative pour les Dieux : ou bien ils sont la volonté
de puissance — alors ils seront les Dieux d’un
peuple, — ou bien ils sont l’impuissance de la
puissance — et alors ils deviendront nécessairement
bons…
Partout où, d’une façon quelconque, la volonté de puissance diminue, il y a chaque fois un recul physiologique, une décadence. La divinité de la décadence circonscrite dans ses vertus et ses instincts virils devient nécessairement le Dieu de ceux qui sont dans un état de régression physiologique, le Dieu des faibles. Eux-mêmes ne s’appellent pas les faibles, ils s’appellent les « bons ». On comprend, sans qu’il y ait besoin d’une indication, dans quel moment de l’histoire, la fiction dualistique d’un bon et d’un mauvais Dieu devient possible. Avec le même instinct dont se servent les assujettis pour abaisser leur Dieu vers « le bien en soi », ils enlèvent ses bonnes qualités au Dieu de leurs vainqueurs ; ils se vengent de leurs maîtres en diabolisant le Dieu de ceux-