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allemande comprit Wagner. Les deux mots d’« infini » et de « signification » lui suffirent déjà : elle en éprouva un plaisir incomparable. Ce n’est pas grâce à la musique que Wagner a conquis les jeunes gens, — c’est grâce à l’Idée, à la richesse de son art en énigmes, à son jeu de cache-cache entre cent symboles, à la polychromie de son idéal, que Wagner dirige les jeunes gens et les séduit ; c’est grâce au génie que Wagner possède pour amonceler les nuages, à ses gesticulations, ses digressions et ses incursions à travers les airs, à son art de se trouver en même temps partout et nulle part, précisément à ces procédés au moyen desquels Hegel fourvoya son époque et la séduisit ! — Noyés dans cette multiplicité wagnérienne, dans cette abondance, dans ces caprices, ils se croient justifiés devant eux-mêmes, — « sauvés » —. Ils écoutent en tremblant comment dans son art les grands symboles se font entendre parmi les brumes du lointain au moyen d’un tonnerre sourd ; ils ne sont pas fâchés si par moments l’atmosphère devient grise, effroyable et froide. Sans exception, tout comme Wagner ils sont de la