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LE CAS WAGNER

point de vue musical, — et en cela elle est bien l’antithèse de Wagner, qui fut le génie le plus malappris du monde, en tout état de cause. (Wagner nous prend pour des — —, il répète une chose, jusqu’à ce que l’on désespère, — que l’on ait la foi.)

Et encore une fois : je deviens un homme meilleur lorsque ce Bizet s’adresse à moi. Un meilleur musicien, un meilleur auditeur. Est-il possible de mieux entendre ? — J’ensevelis encore mes oreilles sous cette musique, j’en perçois les causes. Il me semble que j’assiste à sa naissance, — je tremble devant les dangers qui accompagnent d’ordinaire une hardiesse, je suis ravi par les coups de chance dont Bizet est innocent. — Et chose étrange au fond je ne pense pas à tout cela, ou plutôt j’ignore à quel point j’y pense. Car des pensées toutes différentes roulent à ce moment dans ma tête… A-t-on remarqué comme la musique rend l’esprit libre ? comme elle donne des ailes à la pensée ? comme l’on devient plus philosophe, à mesure que l’on devient plus musicien ? — Le ciel gris de l’abstraction paraît sillonné par la foudre ; la lu-