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" Suivre son sentiment ? " - On cède à un sentiment généreux, mettant sa vie en danger sous l'impulsion d'un moment; mais ceci est de peu de valeur et ne représente pas même un acte caractéristique... Dans leur capacité d'agir ainsi tous les hommes sont égaux - et quant à la décision qui est nécessaire, le criminel, le bandit et le Corse surpassent certainement un honnête homme.

Le degré supérieur serait atteint si l'on surmontait en soi-même cette poussée, pour ne point exécuter l'acte héroïque à la suite d'impulsions, - mais froidement, d'une façon raisonnable, sans qu'il y ait un débordement tempétueux de sentiments de plaisir... Il en est de même de la compassion: il faudrait

habituellement la passer tout d'abord au crible de la raison; autrement elle serait aussi dangereuse que tout autre sentiment...

L'obéissance aveugle à une passion, qu'elle soit généreuse et pitoyable ou hostile, cela importe peu, c'est toujours la cause des plus grandes calamités.

La grandeur du caractère ne consiste pas à ne point avoir ces passions, - il faut au contraire les posséder au plus haut degré: mais les tenir en laisse... et, cela encore, sans que cette contrainte occasionne une joie particulière, mais simplement...