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regarde beaucoup à une certaine appréciation instructive et bienveillante de la valeur humaine qui se fait reconnaître dans la confiance et le crédit sous toutes ses formes; l'estime pour les hommes - et non point seulement pour les hommes vertueux - est peut-être l'élément qui nous sépare le plus nettement d'une évaluation chrétienne. Nous conservons, à part nous, une bonne part d'ironie, lorsque nous entendons encore prêcher la morale; on s'abaisse à nos yeux et l'on devient plaisant lorsque l'on se met à prêcher la morale.

Cette libéralité morale fait partie des meilleurs signes de notre temps. Si nous trouvons des cas où elle fait foncièrement défaut nous croyons être en face d'une maladie (le cas de Carlyle en Angleterre, le cas d'Ibsen en Norvège, le cas du pessimisme de Schopenhauer dans toute l'Europe). S'il y a quelque chose qui nous réconcilie avec notre époque c'est la grande dose d'immoralité qu'elle se permet, sans d'ailleurs penser moins de bien d'elle même. Tout au contraire ! Qu'est-ce qui fait donc la supériorité de la culture sur l'inculture ? De la Renaissance par exemple sur le Moyen Âge? - Rien qu'une seule chose: la grande quantité d'immoralité que l'on concède. Il s'ensuit nécessairement que tous les sommets de l'évolution humaine doivent apparaître, à l'œil du fanatique moral, comme un non plus ultra de la corruption ( - il suffit de songer au jugement de Savonarole sur Florence, au