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conformés, comme si ces actions et ces convictions étaient indignes de l'homme. On jeta le décri sur toutes les tendances des hommes forts, en érigeant les préservatifs des plus faibles (faibles même à l'égard d'eux-mêmes) comme normes de la valeur.

La confusion va si loin que l'on stigmatise littéralement les grands virtuoses de la vie (dont l'empire sur soi-même est en opposition violente avec ce qui est vicieux et intempérant), en leur prêtant les noms les plus injurieux. Aujourd'hui encore on croit devoir désapprouver un César Borgia; c'est tout au plus risible. l'Eglise a anathématisé des empereurs allemands à cause de leurs vices: comme si un moine ou un prêtre avait le droit de dire son avis sur ce qu'un Frédéric II peut exiger de lui-même. On envoie un Don Juan aux enfers: c'est vraiment très naïf. A-t-on remarqué que tous les hommes intéressants font défaut au ciel ? C'est un signe pour indiquer aux petites femmes où elles trouveront le mieux leur salut. Si l'on songe, avec un esprit quelque peu conséquent et, de plus, avec un jugement approfondi à ce que c'est qu'un " grand homme ", on acquiert la certitude que l'Eglise devra envoyer en enfer tous les grands hommes -, elle lutte contre toute " grandeur " de l'homme.

426.

Avant tout, messieurs les vertueux, vous n'avez pas le pas sur nous: nous voulons vous faire prendre à