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La méditation au sujet des choses les plus générales est toujours rétrograde: les dernières " aspirations " qui tourmentent l'humanité, par exemple, n'ont en somme jamais été considérées comme un problème par les philosophes. Le " perfectionnement " de l'humanité est considéré par eux tout naïvement, comme si, par une intuition quelconque, nous étions élevés au-dessus du problème qui serait justement de se demander pourquoi il faut " perfectionner ". Jusqu'à quel point est-il désirable que l'homme devienne plus vertueux, ou plus sage, ou plus heureux ? En admettant que l'on connaisse déjà le pourquoi de l'homme, aucun de ces désirs n'aura de sens; et si l'on veut une chose, qui sait ! peut-être n'a-t-on alors pas le droit de vouloir l'autre? L'augmentation de la vertu est-elle compatible avec l'augmentation de la sagesse et de l'expérience ? Dubito; je n'aurai que trop l'occasion de démontrer le contraire. La vertu, en tant que but, n'a-t-elle pas été jusqu'à présent, dans un sens rigoureux, effectivement en contradiction avec le désir de devenir heureux ? ne lui faut-il pas d'autre part le malheur, les privations, la mortification, comme des moyens naturels ? Et, si la plus grande expérience était le but, n'en viendrait-on pas à refuser l'augmentation du bonheur ? et à choisir le danger, les aventures, la méfiance, la séduction