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cet A soit déjà une apparence, il faudrait en conclure que la logique n’aurait pour condition qu’un monde-apparence. En réalité, nous croyons à ce principe, sous l’impression d’un empirisme infini qui semble le confirmer sans cesse. L’ « ens » est la véritable base d’A ; notre foi en les choses est la condition première pour la foi en la logique. L’A de la logique est comme l’atome d’une reconstitution de la « chose »… En ne comprenant pas cela et en faisant de la logique un critérium de l’ être vrai, nous sommes déjà en train de considérer comme des réalités toutes ces hypostases : substance, attribut, objet, sujet, action, etc.  : c’est-à-dire de concevoir un monde métaphysique, un « monde-vérité » ( — mais celui-ci est une répétition du monde des apparences…).

Les actions primitives de la pensée, l’affirmation et la négation, tenir quelque chose pour vrai, tenir quelque chose pour faux, en tant qu’elles ne présument pas seulement une habitude, mais un droit de tenir pour vrai et de nier, sont déjà dominées par la croyance que la connaissance existe pour nous, que le jugement peut véritablement toucher la vérité : — bref, la logique ne doute pas qu’elle peut énoncer quelque chose au sujet de ce qui est vrai en soi (c’est-à-dire qu’à ce qui est vrai en soi l’on ne peut pas prêter d’attributs contraires).

Ici règne le grossier préjugé sensualiste qui veut que les sensations nous enseignent des vérités au