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de la vie, - l'art est par conséquent d'une opportunité sublime, même en ceci qu'il ment... Mais nous nous tromperions si nous nous arrêtions à sa force de mentir: il fait plus qu'imaginer simplement: il déplace même les valeurs. Et, bien loin de déplacer seulement le sentiment de valeur chez celui qui aime, l'amour donne à celui-ci véritablement plus de valeurs, il le rend plus fort. Chez les animaux cet état produit de nouvelles armes, de nouveaux pigments, de nouvelles formes et couleurs, mais avant tout de nouveaux mouvements, de nouveaux rythmes, de nouvelles amorces et de nouvelles séductions. Chez l'homme il n'en est pas autrement. Son économie générale est plus riche que jamais, plus puissante, plus ample que chez lui qui n'aime pas. Celui qui aime devient prodigue, il est assez riche pour cela. Il ose maintenant, il devient aventurier, un âne de générosité et d'innocence; il croit de nouveau au bien, il croit à la vertu, parce qu'il croit à l'amour; et, d'autre part, chez cet idiot du bonheur, les ailes se mettent à pousser, de nouvelles facultés lui viennent et une porte sur I art s'ouvre même pour lui. Si nous déduisons du lyrisme dans le ton et dans les paroles la suggestion de cette fièvre intérieure: que reste-t-il du lyrisme et de la musique ?... L'art pour l'art peut-être ? Le croassement de virtuose des froides grenouilles qui dépérissent dans leur marécage ?... Tout le reste a été créé par l'amour...

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