Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

affaiblit, décourage: - et, en admettant que Schopenhauer gardât raison, en admettant qu'il faille emprunter à la tragédie la résignation, c'est-à-dire un doux renoncement au bonheur, à l'espoir, à la volonté de vivre, on concevrait ainsi un art où l'art se nierait lui-même. La tragédie équivaudrait alors à un processus de décomposition: l'instinct de vie se détruisant lui-même dans l'instinct de l'art. Christianisme, nihilisme, art tragique, décadence psychologique, cela irait-il de pair, cela arriverait-il en même temps à la prépondérance, cela se pousserait-il réciproquement en avant - en bas ?... La tragédie serait le symptôme de la décomposition ?

On peut réfuter cette théorie avec sang-froid: il suffit de mesurer simplement au dynamomètre l'effet de l'émotion tragique. On arrive alors à un résultat que seul peut méconnaître l'esprit absolument mensonger des systématiques: - on s'aperçoit que la tragédie possède un effet tonique. Si Schopenhauer ne voulut pas comprendre cela, s'il considéra la dépression générale comme un état tragique, s'il donna à entendre aux Grecs ( - qui, à son grand dépit, ne se " résignaient " pas... ) qu'ils ne se trouvaient pas à la hauteur d'une conception de l'univers: ce fut là un parti pris, la logique du système, le faux monnayage du systématique, le pire de tous, qui corrompit peu à peu toute la psychologie de Schopenhauer (et lui fit méconnaître despotiquement le génie, l'art lui-même, la morale,