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cette cause n’est absolument pas adéquate à la cause véritable, - c’est une sorte de tâtonnement basé sur d’antérieures « expériences intérieures », c’est-à-dire sur la mémoire. Mais la mémoire conserve aussi l’habitude des interprétations anciennes, c’est-à-dire de la causalité erronée, - en sorte que l’« expérience intérieure » portera encore en elle toutes les anciennes fausses fictions causales. Notre « monde extérieur », tel que nous le projetons à chaque moment, est indissolublement lié aux vieilles erreurs des causes : nous essayons de l’interpréter par le schématisme des « objets », etc.

L’« expérience intérieure » ne parvient à notre conscience qu’après avoir trouvé un langage que l’individu puisse comprendre, - c’est-à-dire la transposition d’un état en un état plus connu. - « Comprendre » c’est simplement pouvoir exprimer quelque chose de nouveau, dans la langue de quelque chose d’ancien, de connu. Par exemple : « Je me sens mal » - un pareil jugement présuppose une grande et tardive neutralité de la part de l’observateur : - l’homme naïf dira toujours : telle ou telle chose fait que je me sente mal, - il ne jugera clairement son malaise que lorsqu’il verra une raison pour se sentir mal... J’appelle cela un manque de philologie ; pouvoir lire un texte, en tant que texte, sans y mêler une interprétation, c’est la forme la plus tardive de l’ « expérience intérieure », - peut-être est-ce une forme à peine possible...