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ution de la philosophie. — On trouvera une espèce de vengeance sur la réalité, une destruction sournoise des évaluations, au milieu desquelles vit l’homme, une âme insatisfaite qui considère l’état de discipline comme une torture et qui éprouve une volupté particulière à arracher, maladivement, tous les liens qui l’y rattachent. L’histoire de la philosophie est une rage secrète contre les conditions de la vie, contre les sentiments de valeur de la vie, contre la décision en faveur de la vie. Les philosophes n’ont jamais hésité à affirmer un monde, à condition qu’il soit en contradiction avec ce monde, qu’il mette entre les mains un instrument qui puisse servir à parler mal de ce monde. La philosophie fut jusqu’à présent la grande école de la calomnie et elle en a tellement imposé qu’aujourd’hui encore notre science, qui se fait passer pour l’interprète de la vie, a accepté la position fondamentale de la calomnie, et qu’elle manipule ce monde comme s’il n’était qu’apparence, cet enchaînement de causes comme s’il n’était que phénoménal. Quelle est la haine qui est en jeu ? Je crains que ce soit toujours la Circé des philosophes, la morale, qui joue à ceux-ci le mauvais tour de les forcer à être de tous temps, des calomniateurs… Ils croyaient aux " vérités " morales, ils trouvaient là les valeurs supérieures, — que leur restait-il à faire, sinon de dire " non " à l’existence