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nerfs, les centres du mouvement). L’évaluation se traduit, selon la culture spécifique de ces couches, en jugement moral ou religieux (la prépondérance des jugements religieux ou moraux est toujours un signe de culture inférieure) : elle cherche à trouver des fondements, dans les sphères par où l’idée de " valeur " est arrivée à sa connaissance. L’interprétation par laquelle le pécheur chrétien croit se comprendre lui-même est une tentative pour trouver justifié le manque de puissance et de confiance en soi : il aime mieux se sentir coupable que de se trouver vainement mauvais. C’est déjà un symptôme de décomposition que d’avoir besoin d’interprétation de ce genre. Dans d’autres cas, le déshérité ne cherche pas la raison de son infortune dans sa " faute " comme fait le chrétien, mais dans la société : tel le socialiste, l’anarchiste, le nihiliste, — en considérant leur existence comme quelque chose dont quelqu’un doit être la cause, ceux-ci se rapprochent du chrétien qui croit aussi pouvoir mieux supporter son malaise et sa mauvaise conformation lorsqu’il a trouvé quelqu’un qu’il peut en rendre responsable. L’instinct de la vengeance et du ressentiment apparaît ici, dans les deux cas, comme un moyen de supporter l’existence, comme une sorte d’instinct de conservation : de même que la préférence accordée à la théorie et à la pratique altruistes. La haine de l’égoïsme, que ce soit de celui qui vous est propre (chez le