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le bien demeure : l’un a le droit d’exister, l’autre ne devrait pas exister du tout… Quel est, en somme, l’être qui désire là ? - On s’est donné, de tous temps, et surtout aux époques chrétiennes, la peine de réduire l’homme à cette demi-activité qui est le "bien" : aujourd’hui encore il ne manque pas d’êtres déformés et affaiblis par l’Église, pour qui cette intention est identique à l’" humanisation " en général, ou à la " volonté de Dieu ", ou encore au " salut de l’âme ". On exige ici, avant tout, que l’homme ne fasse pas le mal, que, dans aucune circonstance, il ne nuise ou n’ait l’intention de nuire… Pour y réussir, on recommande d’extirper toutes les possibilités d’inimitié, de supprimer les instincts du ressentiment, on recommande la " paix de l’âme ", mal chronique. Cette tendance, développée par un type d’homme particulier, part d’une supposition absurde : elle considère le bien et le mal comme des réalités, en contradiction l’une avec l’autre (et non point comme des valeurs complémentaires, ce qui répondrait à la réalité), elle conseille de prendre le parti du bien, elle exige que l’homme bon renonce et résiste au mal jusqu’en ses plus profondes racines, — par là elle nie véritablement la vie qui recèle dans tous ses instincts l’affirmation aussi bien que la négation. Et, loin de comprendre cela, elle rêve de retourner à l’unité, à la totalité, à la force de la vie :