ent, avec l’instinct d’un vieil amour et d’une vieille admiration, dans le domaine des valeurs, nous sommes presque disposés à croire que " ce qui nous plaît est bien "… Cela éveille ma méfiance d’entendre partout désigner Beethoven, bien innocemment, comme un " classique : je soutiendrai avec rigueur que, dans d’autres arts, on entend par classique le type contraire à celui que représente Beethoven. Mais, lorsque je vois chez Wagner cette décomposition de style qui saute aux yeux, ce que l’on appelle son style dramatique, présenté et vénéré comme un " modèle ", une " maîtrise ", un " progrès ", mon impatience atteint son comble. Le style dramatique dans la musique, tel que l’entend Wagner, c’est la renonciation à toute espèce de style, sous prétexte qu’il y a quelque chose qui a cent fois plus d’importance que la musique, c’est-à-dire le drame. Wagner sait peindre, il se sert de la musique, non pour faire de la musique ; il renforce les attitudes, il est poète ; enfin il en a appelé aux " beaux sentiments ", aux " idées élevées ", comme tous les artistes du théâtre. — Avec tout cela il a gagné les femmes en sa faveur, et ceux qui veulent cultiver leurs esprits : mais ces gens-là, qu’ont-ils à voir à la musique ? Tout cela n’a aucune conscience pour l’art ; tout cela ne souffre pas quand toutes les vertus premières et essentielles de l’art sont foulées aux pieds et narguées en faveur d’intentions secondaires (comme ancilla dramaturgica).
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