Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

monstre placé à son antipode ; à Rome, on considérait le Juif comme « un être convaincu de haine contre le genre humain » : avec raison, si c’est avec raison que l’on voit le salut et l’avenir de l’humanité dans la domination absolue des valeurs aristocratiques, des valeurs romaines. Quels sentiments éprouvaient par contre les Juifs à l’égard de Rome ? Mille indices nous permettent de le deviner, mais il suffit de se remettre en mémoire l’Apocalypse de saint Jean, le plus sauvage des attentats écrits que la vengeance ait sur la conscience. (Il ne faudrait d’ailleurs pas estimer trop bas la logique profonde de l’instinct chrétien pour avoir associé précisément ce livre de haine au nom du disciple d’amour, ce même disciple à qui on attribua la paternité de l’évangile d’amoureuse exaltation — il y a là une part de vérité, quelle que soit d’ailleurs l’énormité de la falsification littéraire mise en œuvre pour atteindre ce but.) Les Romains étaient les forts et les nobles, ils l’étaient à un point que jamais jusqu’à présent sur la terre il n’y a eu plus fort et plus noble, même en rêve ; chaque vestige de leur domination, jusqu’à la moindre inscription, procure du ravissement, en admettant que l’on sache deviner quelle main était à l’œuvre. Les