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appellent cela « le jugement dernier », la venue de leur règne, du « règne de Dieu » — mais, en attendant, ils vivent dans « la foi », « l’espérance » et « la charité ».

— Assez ! Assez !

15.

Dans la foi en quoi ? Dans l’amour, dans l’espérance de quoi ? — Ces faibles —, eux aussi, veulent être quelque jour les forts, il n’y a pas à en douter, leur « règne » doit aussi venir quelque jour — c’est ce qui chez eux, répétons-le, s’appelle tout simplement « le règne de Dieu » : ils sont si humbles en toutes choses ! Rien que pour voir cela, pour vivre cela, il est nécessaire de vivre longtemps, par delà la mort, — oui, il faut la vie éternelle, afin qu’on puisse se dédommager éternellement, dans le « règne de Dieu », de cette existence terrestre passée dans « la foi, l’espérance et la charité ». Se dédommager de quoi et par quoi ? Dante s’est, à ce qu’il me semble, grossièrement mépris, lorsque, avec une ingénuité qui fait frissonner, il grava au-dessus de la porte de son enfer, cette inscription : « Moi aussi, l’amour éternel m’a créé. » — Au-des-