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ne cherche son antipode que pour s’affirmer soi-même avec encore plus de joie et de reconnaissance, — son concept négatif « bas », « commun », « mauvais » n’est qu’un pâle contraste né tardivement en comparaison de son concept fondamental, tout imprégné de vie et de passion, ce concept qui affirme « nous les aristocrates, nous les bons, les beaux, les heureux ! » Lorsque le système d’appréciation aristocratique se méprend et pèche contre la réalité, c’est dans une sphère qui ne lui est pas suffisamment connue, une sphère qu’il se défend même avec dédain de connaître telle qu’elle est : il lui arrive donc de méconnaître la sphère qu’il méprise, celle de l’homme du commun, du bas peuple. Que l’on considère d’autre part que l’habitude du mépris, du regard hautain, du coup d’œil de supériorité, à supposer qu’elle fausse l’image du méprisé, reste toujours bien loin derrière la défiguration violente à laquelle la haine rentrée et la rancune de l’impuissant se livreront — en effigie bien entendu — sur la personne de l’adversaire. De fait, il y a dans le mépris trop de négligence et d’insouciance, trop de joie intime et personnelle pour que l’objet du mépris se transforme en une véritable caricature, en un monstre. Qu’on ne perde pas de