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bouche du poète mégarien Théogonis. Le mot ἐσθλός, formé à cet usage, signifie d’après sa racine quelqu’un qui est, qui a de la réalité, qui est réel, qui est vrai ; puis, par une modification subjective, le vrai devient le véridique : à cette phase de la transformation de l’idée nous voyons le terme qui l’exprime devenir le mot d’ordre et le signe de ralliement de la noblesse, prendre absolument le sens de « noble », par opposition à l’homme « menteur » du commun, tel que Théogonis le conçoit et le dépeint, — jusqu’à ce qu’enfin, après le déclin de la noblesse, le mot ne désigne plus que la noblesse d’âme et prenne, en même temps, le sens de quelque chose de mûri et d’adouci. Le mot de κακός comme celui de δειλός (qui désigne le plébéien par opposition à l’ἀγαθός) souligne la lâcheté : voilà qui indiquera peut-être dans quelle direction il faut chercher l’étymologie du mot ἀγαθός, qu’on peut interpréter de plusieurs manières. Le latin malus (que je mets en regard de μέλας, noir) pourrait avoir désigné l’homme du commun d’après sa couleur foncée, et surtout d’après ses cheveux noirs (hic niger est), l’autochtone pré-aryen du sol italique se distinguant le plus clairement par sa couleur sombre de la race dominante, de la race des conqué-