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gine, décrètent-ils, les actions non égoïstes ont été louées et réputées bonnes, par ceux à qui elles étaient prodiguées, à qui elles étaient utiles ; plus tard on a oublié l’origine de cette louange et l’on a simplement trouvé bonnes les actions non-égoïstes, parce que, par habitude, on les avait toujours louées comme telles, — comme si elles étaient bonnes en soi. » Voilà qui est clair : cette première dérivation présente déjà tous les traits typiques de l’idiosyncrasie des psychologues anglais, — nous y trouvons « l’utilité », « l’oubli », « l’habitude » et finalement « l’erreur » ; tout cela pour servir de base à une appréciation dont, jusqu’à présent, l’homme supérieur avait été fier, comme d’une sorte de privilège de l’homme supérieur en général. Cette fierté doit être humiliée, cette appréciation doit être dépréciée : ce but a-t-il été atteint ?… Pour moi il apparaît d’abord clairement que cette théorie recherche et croit apercevoir le véritable foyer d’origine du concept « bon » à un endroit où il n’est pas : le jugement « bon » n’émane nullement de ceux à qui on a prodigué la « bonté » ! Ce sont bien plutôt les « bons » eux-mêmes, c’est-à-dire les hommes de distinction, les puissants, ceux qui sont supérieurs par leur situation et leur élé-