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intimes, — il est la catastrophe imposante d’une discipline deux fois millénaire de l’instinct de vérité, qui, en fin de compte, s’interdit le mensonge de la foi en Dieu. (Dans l’Inde la même évolution s’est accomplie d’une façon absolument indépendante, ce qui démontre l’exactitude de mon observation ; le même idéal aboutissant à la même conclusion ; le point décisif atteint cinq siècles avant l’ère chrétienne avec Bouddha ou, plus exactement, avec la philosophie sankhya, popularisée plus tard par Bouddha, et érigée en religion.) Qu’est-ce qui a donc, rigoureusement parlant, remporté la victoire sur le Dieu chrétien ? La réponse se trouve dans mon ouvrage le Gai Savoir, aph. 357 : « C’est la morale chrétienne elle-même, la notion de sincérité appliquée avec une rigueur toujours croissante, c’est la conscience chrétienne aiguisée dans les confessionnaux et qui s’est transformée jusqu’à devenir la conscience scientifique, la propreté intellectuelle à tout prix. Considérer la nature comme si elle était une preuve de la bonté et de la providence divines ; interpréter l’histoire à l’honneur d’une raison divine, comme preuve constante d’un ordre moral de l’univers et de finalisme moral ; interpréter notre propre destinée, ainsi que le firent si longtemps