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l’antique respect de soi, comme si ce respect n’avait jamais été autre chose qu’un bizarre produit de la vanité humaine ; on pourrait même dire qu’elles mettent leur point d’honneur, leur idéal austère et rude d’ataxie stoïque, à entretenir chez l’homme ce mépris de soi obtenu au prix de tant d’efforts, en le présentant comme son dernier, son plus sérieux titre à l’estime de soi (en quoi l’homme a raison ; car celui qui méprise est toujours quelqu’un « qui n’a pas désappris d’estimer »…). Mais est-ce là en réalité travailler contre l’idéal ascétique ? Croit-on encore sérieusement (comme les théologiens se le sont imaginé un temps), que par exemple la victoire de Kant sur la dogmatique des théologiens (« Dieu », « âme », « liberté », « immortalité ») ait porté atteinte à cet idéal ! — laissons pour le moment de côté la question de savoir si Kant a jamais eu le dessein de lui porter atteinte. Ce qui est certain, c’est que tous les philosophes transcendantaux ont, depuis Kant, de nouveau cause gagnée, — ils sont émancipés de la tutelle des théologiens : quelle joie ! — Kant leur a révélé ce chemin détourné où ils peuvent désormais, en toute indépendance et avec la tenue scientifique la plus décente, satisfaire « les désirs de leur cœur ». De