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par là moins désireux de résoudre l’énigme de l’existence par la foi en un au-delà, depuis que, à la suite de cette défaite, cette existence est apparue comme plus fortuite encore, plus vide de sens et plus superflue dans l’ordre visible des choses ? Est-ce que la tendance de l’homme à se rapetisser, sa volonté de faire petit, n’est pas, depuis Copernic, en continuel progrès ? Hélas ! c’en est fait de sa foi en sa dignité, en sa valeur unique, incomparable dans l’échelle des êtres, — il est devenu un animal, sans métaphore, sans restriction ni réserve, lui qui, selon sa foi de jadis, était presque un Dieu (« enfant de Dieu », « Dieu fait homme »)… Depuis Copernic, il semble que l’homme soit arrivé à une pente qui descend, — il roule toujours plus loin du point de départ. — Où cela ? — Vers le néant ? Vers « le sentiment poignant » de son néant ?… Eh bien ! ce serait là le droit chemin — vers l’ancien idéal !… Toutes les sciences (et non point seulement l’astronomie, dont l’influence humiliante et rapetissante a arraché à Kant ce remarquable aveu : « Elle anéantit mon importance »…), toutes les sciences, naturelles ou contre nature — c’est ainsi que j’appelle la critique de la raison par elle-même — travaillent aujourd’hui à détruire en l’homme