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roïques qui sont l’honneur de notre temps, tous ces pâles athées, antéchrists, immoralistes, nihilistes, ces sceptiques, ces incrédules et autres rachitiques de l’esprit (ils le sont tous en quelque façon), ces derniers idéalistes de la connaissance en qui seuls aujourd’hui réside et s’incarne la conscience intellectuelle, — ils se croient en effet aussi détachés que possible de l’idéal ascétique, « ces libres, très libres esprits » : et cependant je vais leur révéler une chose qu’ils ne peuvent voir eux-mêmes ; — car ils manquent de l’éloignement nécessaire : — c’est que cet idéal est précisément aussi leur idéal, ils en sont eux-mêmes les représentants aujourd’hui plus que personne peut-être ; ils sont sa forme la plus spiritualisée, ils sont l’avant-garde de ses troupes d’éclaireurs et de guerriers, sa forme de séduction la plus captieuse, la plus délicate et la plus insaisissable : — si, en quelque chose, je suis déchiffreur d’énigmes je veux l’être avec cette affirmation ! Non, ceux-ci sont loin d’être des esprits libres, car ils croient encore à la vérité… Lorsque les Croisés se heurtèrent en Orient sur cet invincible ordre des Assassins, sur cet ordre des esprits libres par excellence, dont les affiliés de grades inférieurs vivaient dans une obéissance telle