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listes de cet idéal ? C’est là en effet ce qu’ils croient être, ces « incrédules » (car cela, ils le sont tous) ; être les adversaires de cet idéal, c’est là précisément ce qui semble constituer leur dernier reste de foi, tant sur ce point leurs discours, leurs gestes sont passionnés : — mais est-ce là une raison pour que ce qu’ils croient soit vrai ?… Nous qui cherchons la « connaissance », nous nous défions précisément de toute espèce de croyants ; notre défiance nous a peu à peu enseigné à tirer à cet égard des conclusions inverses de celles qu’on tirait jadis : je veux dire à conclure, partout où la force d’une croyance apparaît au premier plan, que cette croyance a des bases quelque peu fragiles, ou même qu’elle est invraisemblable. Nous aussi, nous ne nions pas que la foi « sauve » : mais pour cette raison même nous nions que la foi prouve quelque chose, — une forte foi, moyen de salut, fait naître des soupçons à l’égard de son objet, elle n’est pas un argument en faveur de la « vérité », mais seulement d’une certaine ressemblance — de l’illusion. Or, qu’arrive-t-il dans ce cas ? — Ces négateurs, ces isolés du temps présent, ces esprits intransigeants qui prétendent à la netteté intellectuelle, ces esprits durs, sévères, abstinents, hé-