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voix avec la prétention immodeste de revendiquer un contentement général, surtout dans la science, — il y a là tant de choses utiles à faire ! Je n’en disconviens pas ; pour rien au monde je ne voudrais troubler le plaisir que ces travailleurs prennent à leur métier : car je me réjouis de leur besogne. Mais s’il est vrai qu’à présent l’on travaille énergiquement dans le domaine scientifique et qu’il y a des travailleurs satisfaits de leur sort, il reste à prouver que la science, en tant que bloc, possède aujourd’hui un but, une volonté, un idéal, une passion de foi ardente. C’est tout le contraire, ainsi que je l’ai indiqué : lorsqu’elle n’est pas la plus récente manifestation de l’idéal ascétique, — il s’agit là de cas trop rares, trop choisis et trop distingués pour que le jugement général en soit influencé — la science est aujourd’hui le refuge de toute sorte de mécontentement, d’incrédulité, de remords, de despectio sui, de mauvaise conscience — elle est l’inquiétude même du manque d’idéal, la douleur de l’absence d’un grand amour, le mécontentement d’une tempérance forcée. Oh ! que de choses la science ne dissimule-t-elle pas aujourd’hui ! Que de choses du moins ne doit-elle pas dissimuler ! La capacité de nos plus éminents savants,