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d’être ainsi seul de mon avis au sujet de ce livre si estimé et si surfait (le goût de près de deux mille ans s’élève contre moi) : mais qu’y faire ! « Me voici, je ne puis faire autrement »,[1] — j’ai le courage de ma mauvaise conscience. L’ancien Testament — c’est là une tout autre affairé : respect à l’ancien Testament ! Chez lui je trouve de grands hommes, un décor héroïque et, chose rare entre toutes en ce monde, l’inestimable naïveté du cœur fort ; bien plus, j’y trouve un peuple. Dans le nouveau, par contre, règne le remue-ménage de toutes sortes de petites sectes, le rococo de l’âme, quelque chose de contourné, d’anguleux et de bizarre, l’atmosphère des conventicules, sans omettre parfois un souffle de douceur bucolique qui sent bien son époque (et sa province romaine) et qui du reste est plutôt hellénique que judaïque. L’humilité et l’air important se donnent la main ; il y a là une loquacité des sentiments qui assourdit presque ; de l’emballement, pas de passion ; une mimique pitoyable ; il est évident que toute éducation solide faisait défaut. Comment pouvaient-ils tant faire état de leurs petites imperfections, ces pieux bonshommes ! Per-

  1. Paroles de Luther à la diète de Worms. — N. d. T.