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de ce nouveau malade, le « pécheur » — en sera-t-on jamais débarrassé ? — De quelque côté qu’on se tourne, partout le regard hypnotisé du pécheur, toujours fixé dans la même direction (celle de la « faute », seule cause de la souffrance) ; partout la mauvaise conscience, « dies grewliche Thier », pour employer l’expression de Luther ; partout le passé qui revient, le fait dénaturé, l’action vue d’un « mauvais œil » ; partout la méconnaissance volontaire de la souffrance devenue chose capitale, la douleur transformée en sentiment de faute, de crainte, de châtiment ; partout la discipline, le corps émacié, la contrition ; partout le pécheur qui se torture lui-même sur la roue cruelle d’une conscience inquiète et voluptueusement malade ; partout la peine muette, la peur affreuse, l’agonie du cœur martyrisé, les spasmes d’un bonheur inconnu, le cri désespéré vers le « salut ». Et vraiment, grâce à cette façon d’agir, l’ancienne dépression, la lourde lassitude, finissaient par être totalement surmontées, la vie redevenait très intéressante : éveillé, toujours éveillé, même la nuit, ardent, carbonisé, épuisé et point fatigué cependant — tel apparaissait l’homme, « le pécheur » initié à ces mystères. Ce vieux sorcier dans la lutte contre le malaise, le prêtre ascétique — avait visi-