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été appliquée à bonne intention, que le prêtre ascétique a eu pleinement foi en son efficacité, qu’il crut même indispensable de la prescrire, — et qu’assez souvent il faillit périr lui-même, au spectacle de la souffrance dont il était l’auteur ; remarquons aussi que les terribles revanches physiologiques de tels excès, peut-être même les troubles intellectuels qui les suivent, ne sont pas en contradiction absolue avec l’esprit général de ce genre de médication : car il ne s’agissait pas, nous l’avons vu, de guérir des maladies, mais de combattre le malaise et la dépression par des adoucissants et des narcotiques. C’est de cette façon que le but a été atteint. Le tour d’adresse que se permit le prêtre ascétique, pour arracher à l’âme humaine cette musique déchirante et extatique, a pleinement réussi — chacun sait qu’il a su tirer parti du sentiment de culpabilité. Le problème de l’origine de ce sentiment a été indiqué brièvement dans la précédente dissertation — question de psychologie animale, pas davantage : le sentiment de la faute s’est présenté à nous pour ainsi dire à l’état brut. Ce n’est que dans les mains du prêtre, ce véritable artiste pour le sentiment de la faute, que ce sentiment a commencé à prendre forme ! — et quelle forme ! Le « péché » — car tel