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mensonger. Faire partout à nouveau la découverte de cette « innocence » — c’est peut-être là la part la plus rebutante de notre travail, du travail en soi assez périlleux, dont le psychologue doit se charger aujourd’hui ; c’est une part du grand danger qui nous menace, — une voie qui nous mène peut-être au grand dégoût… Sans doute, les livres modernes (en admettant qu’ils aient une influence durable, ce qui n’est certes pas à craindre, en admettant aussi qu’il naîtra un jour une postérité au goût plus sévère, plus dur, plus sain) — et tout ce qui est moderne en général, ne pourra servir à la postérité que comme vomitif, — et cela à cause de son moralisme doucereux et faux, à cause de son caractère féminin qui s’appelle volontiers « idéalisme », et, en tous les cas, se croit idéaliste. Nos civilisés d’aujourd’hui, nos « bons », ne mentent pas — cela est vrai ; mais cela même n’est pas à leur honneur ! Le véritable mensonge, le mensonge authentique, résolu, loyal (sur la valeur duquel on peut consulter Platon) serait pour eux quelque chose de beaucoup trop sévère, quelque chose de trop fort ; il exigerait ce qu’on peut exiger d’eux, qu’ils ouvrissent les yeux sur eux-mêmes et parvinssent à distinguer en eux le « vrai » du « faux ». Seul le mensonge déloyal