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précédemment formés, soit les types du prêtre, du devin, de l’homme religieux en général, pour être seulement possible, en quelque mesure que ce soit : l’idéal ascétique a longtemps servi au philosophe d’apparence extérieure, de condition d’existence, — il était forcé de représenter cet idéal pour pouvoir être philosophe, il était forcé d’y croire pour pouvoir le représenter. Cette attitude particulière au philosophe, qui le fait s’éloigner du monde, cette manière d’être qui renie le monde, se montre hostile à la vie, de sens incrédule, austère, et qui s’est maintenue jusqu’à nos jours de façon à passer pour l’attitude philosophique par excellence — cette attitude est avant tout une conséquence des conditions forcées, indispensables à la naissance et au développement de la philosophie : car, pendant très longtemps, la philosophie n’aurait pas du tout été possible sur terre sans un masque et un travestissement ascétique, sans malentendu ascétique. Pour m’exprimer d’une façon plus concrète et qui saute aux yeux : le prêtre ascétique s’est montré jusqu’à nos jours sous la forme la plus répugnante et la plus ténébreuse, celle de la chenille, qui donna seule au philosophe le droit de mener son existence rampante… Les choses ont-elles vraiment chan-