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comme l’immoralité et la corruption par excellence ! »

10.

Dans le même ouvrage (aph. 12) est exposé en quelle mésestime, sous quel poids de mésestime, la race ancienne des hommes contemplatifs a dû vivre, — méprisée dans la même mesure où elle n’était point redoutée. La contemplation a certainement fait sa première apparition sur la terre sous une forme déguisée, avec un aspect équivoque, un cœur mauvais et souvent avec la peur marquée sur tous les traits. Ce qu’il y avait d’inactif, de rêveur, de pusillanime dans les instincts des hommes contemplatifs les entoura longtemps d’une atmosphère de méfiance : à cela il n’y avait d’autre remède que d’inspirer une crainte profonde. Les vieux Brahmanes, par exemple, s’y entendaient. Les très anciens philosophes savaient donner à leur existence, à leur aspect extérieur, un sens, un appui, un arrière-plan qui les faisaient craindre : à examiner la chose de plus près, il y avait là un besoin encore fondamental, celui de s’assurer à leurs propres yeux, vis-à-vis d’eux-mêmes, la crainte