Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cas, de donner à un regard aussi pénétrant et aussi impartial une direction meilleure, la direction vers une véritable Histoire de la morale et de le mettre en garde, lorsqu’il en est temps encore, contre un monde d’hypothèses anglaises bâties dans le vide, dans l’azur. Il est clair que pour le généalogiste de la morale il y a une couleur cent fois préférable à l’azur : je veux dire le gris, j’entends par là tout ce qui repose sur des documents, ce que l’on peut vraiment établir, ce qui a réellement existé, bref, tout le long texte hiéroglyphique, laborieux à déchiffrer, du passé de la morale humaine ! — le Dr Rée ne le connaissait pas ; mais il avait lu Darwin : — et voilà pourquoi, dans ses hypothèses, on voit, d’une façon pour le moins divertissante, la brute humaine de Darwin tendre gentiment la main à l’humble efféminé de la morale, création toute moderne qui « ne mord plus », mais qui répond à cette gracieuseté avec un visage empreint d’une certaine indolence débonnaire et gracieuse, à quoi se mêle un grain de pessimisme et de lassitude, comme s’il ne valait vraiment pas la peine de prendre si fort à cœur toute cette affaire — c’est-à-dire le problème de la morale. Pour moi, il me semble au contraire qu’il n’y a rien au monde qui ne mérite autant d’être