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les esprits robustes de nature indépendante — combien son aspect est différent de l’idée que s’en font les gens cultivés ! — parfois ils sont eux-mêmes ce désert, ces civilisés. Il est certain que les comédiens de l’esprit ne sauraient s’en accommoder — pour eux il est loin d’être assez romantique et assez syrien, assez désert d’opéra-comique ! Il n’y manque pas non plus de chameaux, mais c’est à cela que se borne la ressemblance. Une obscurité volontaire peut-être ; une fuite devant soi-même ; une aversion profonde pour le bruit, l’admiration, le journal, l’influence ; un petit emploi, quelque chose de quotidien qui cache plutôt qu’il ne met en évidence ; parfois la société de bêtes domestiques, d’oiseaux inoffensifs et joyeux dont l’aspect réconforte ; des montagnes pour tenir compagnie, mais non des montagnes mortes, des montagnes avec des yeux (c’est-à-dire avec des lacs) ; parfois même une simple chambre dans un hôtel quelconque plein de monde, où l’on est certain d’être perdu dans la foule et de pouvoir impunément causer avec tout le monde, — voilà le « désert » ! Il est suffisamment solitaire, croyez-m’en ! Le « désert » où se retirait Héraclite — les portiques et les péristyles de l’immense temple